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Pour une pédagogie positive
23 novembre 2017

La parole est aux émotions !

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L'une des leçons de la Communication Non Violente a été de me rendre compte à quel point le vocabulaire des émotions et des sentiments dont nous disposons spontanément est pauvre. Pris par la tempête du quotidien, nous n'avons recours qu'à un très petit nombre de mots, toujours les mêmes et souvent très imprécis, pour dire ce que nous ressentons. Or, c'est sur cette capacité à identifier nos émotions que repose la possibilité de régler les conflits d'une manière satisfaisante pour toutes les parties en présence.

Il m'a donc semblé d'utilité publique de développer chez mes élèves le vocabulaire des sentiments afin d'enrichir et affiner leurs perceptions en cette période de maëlstrom émotionnel que constitue l'adolescence. Pour ce faire, la poésie m'a semblé le mode d'expression le plus riche et le plus propice. C'est pourquoi nous étudions des poèmes sur la joie (Victor Hugo, "Lorsque l'enfant paraît..." / Paul Verlaine, "Impression de printemps" / Paul Eluard, "Au coeur de mon amour") avant de travailler sur les quatre poèmes intitulés "Spleen" de Baudelaire.

Avant d'entrer dans l'analyse des textes, j'ai commencé par une petite étude de lexique, avec recherche dans le dictionnaire à l'appui et classement des mots selon l'émotion domainante à laquelle ils renvoient (Voici la fiche avec laquelle j'ai travaillé : Emotions). J'ai moi-même été enthousiasmée de permettre aux élèves de découvrir des mots pour moi aussi évidents - hélas, parfois... - qu'"affligé", "sidéré", "ulcéré", "horripilé", mais aussi "béat" ou "grisé"... Nous avons travaillé à classer plus en détail les mots exprimant la joie, ce qui leur a permis d'observer qu'entre être "émoustillé" et "au 7ème ciel", il y a toute une gradation... A la sortie du cours, les élèves étaient tout guillerets, comme si parler des émotions aidait à se les approprier.

Depuis, nous étudions les textes en commençant par formuler la palette émotionnelle qui colore le poème. Je demande pour cela de trouver trois à cinq mots qui disent les sentiments évoqués par le poète. De même, dans le cadre des méditations qui ouvrent chaque cours, une fois le tour des ancrages réalisé, je propose systématiquement de mettre trois mots sur les émotions que chacun ressent intérieurement. Lorsque j'étudierai les "Spleen", je proposerai aux élèves de faire leur météo intérieure, afin d'éclairer ensuite la métaphore météorologique dans les poèmes ("Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle / Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis..." Ca vous dit quelque chose ?).

Dans le cadre d'un travail d'expression orale, j'ai repris certains des mots de l'étude du lexique des émotions, que j'ai écrits sur des morceaux de papier et fait tirer au sort par chaque élève. Puis, j'ai demandé à chacun de venir énoncer oralement devant la classe le vers de Rimbaud : "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans". Il s'agissait, pour celui qui parlait d'exprimer au plus juste le sentiment demandé, et pour ceux qui écoutaient de deviner l'intention du locuteur. Cela nous a donné l'occasion de réviser encore des mots comme "à cran", "navré", "sceptique" ou "accablé".

Aborder les émotions par l'étude littéraire, qu'il s'agisse des mots ou des textes, constitue une manière efficace d'apprivoiser ce que l'on ressent. Les sentiments peuvent à la fois être mis à distance et reconnus chez l'autre, avant de devenir des moyens de dire ce qu'il se passe en soi. Il me sera toujours impossible de tirer un bilan sur l'efficacité relationnelle de ce type d'enseignement. Mais le partage et la complicité que j'ai pu expérimenter dans la classe avec mes élèves valaient déjà la peine que l'on se penche sur la question.

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